POURQUOI DES SERVICES DE SANTÉ EN FRANÇAIS ?
« Quand j’suis malade, j’suis pas bilingue! »
Quand on vit dans une province ou un territoire à majorité anglophone, les services de santé en français ne sont pas un luxe ni juste l’affaire des autres.Ce n’est pas vrai que tous les francophones qui y vivent parlent suffisamment l’anglais pour comprendre et se faire comprendre quand vient le temps de parler de santé.
Quand on vieillit, on perd souvent notre capacité à parler notre langue seconde. Puis, enfant, on a parfois de la difficulté à expliquer ce qu’on ressent; c’est encore pire quand on doit le faire dans une langue seconde. Puis, les francophones nouvellement arrivés au pays sont nombreux à ne pas parler suffisamment l’anglais et, de ce fait, se trouvent isolés et mal compris.
Des expériences réelles, vécues au quotidien :
Irique Josiane Tagne Djom, Ontario
Joseph-Marcel Meunier, Colombie-Britanique
Les francophones vivant en situation minoritaire sont globalement en moins bonne santé, sont plus âgés, sont en surpoids et sont plus nombreux à vivre seuls et en région éloignée. Pour ces raisons, ces personnes ont davantage besoin des services de santé que la majorité. Malgré ce besoin…
Plus de 76 % des francophones minoritaires sont insatisfaits des services de santé en français
58 % des francophones minoritaires reçoivent très peu, voire aucun, services de santé dans leur langue.
Seulement 28% des personnes âgées francophones en Ontario peuvent parler à leur médecin en français.
Au Manitoba, 50 % des francophones demandent à être servis en français, mais seulement la moitié d’entre eux le sont.
Plus de 20 % des francophones évitent carrément de faire appel au système de santé, sachant qu’ils et elles n’auront pas accès à des services dans leur langue
L’absence de ses services en français en fin de vie : une expérience qui peut être débilitante
Eugène Trottier, Français d’origine engagé de longue date dans la francophonie en Alberta où il a vécu plus de 60 ans, est né en français, a vécu en français, mais est décédé, le 29 décembre 2013, en anglais! Il ne parlait pas anglais.
« C’est à l’âge de 88 ans qu’il voit sa vie, et celle de ses proches, basculer lorsqu’il est atteint d’un blocage dans le côlon qui nécessitera quatre chirurgies en l’espace de six jours. Suite à cela, il tombe dans un coma de quatre semaines. À son réveil, sa famille doit se mettre à la recherche d’un centre de soins intensifs. Malheureusement, aucun établissement de la région ne dispose de personnel francophone. Il est donc transféré à un établissement anglophone.
La barrière linguistique donnait l’impression à Eugène Trottier de n’être qu’un morceau de viande. Pour briser l’isolement, sa famille tente, comme elle peut, de l’accompagner et de le soutenir à travers cette épreuve. Parallèlement, ses proches tentent, sans succès, de lui trouver un nouvel établissement où le personnel pourrait communiquer avec lui en français. M. Trottier devenait de plus en plus déprimé, il cessait de se nourrir. Ses proches étaient dépassés par la situation et l’absence d’offre en français. Ils s’expliquaient mal l’absence de contraintes légales garantissant des soins dans leur langue à tous les Canadiens. Ils se sont proposés comme interprètes pour accompagner Eugène. En l’espace de trois mois, il a dû être transporté d’urgence en ambulance à cinq reprises suite à des complications liées à son état de santé. Lors d’un de ces incidents, le médecin en charge a confondu la non-capacité de M. Trottier à s’exprimer en anglais avec de la confusion… »
(Témoignage tiré du rapport annuel 2016-2017 de la SSF)
Malgré les nombreux obstacles, malgré les défis, des avancées sont réalisées!
Au quotidien, des centaines d’acteurs et d’actrices du milieu de la santé sont à l’œuvre, se dépassent et innovent en quête constante de progrès. Des initiatives innovantes voient le jour tous les jours.
La Déclaration d’Ottawa nous propose des voies à suivre. Par exemple :
❖ Placer l’individu au cœur des préoccupations en matière de santé en français, forger avec elle ou lui une relation fiable et de confiance, en le/la considérant comme un/e véritable partenaire de son bien-être et de sa santé, complice d’actions et de solutions;
❖ Créer et augmenter les espaces de vie en français partout au pays afin que les communautés francophones et acadienne poursuivent leurs démarches vers une égalité réelle; que ces espaces de vie soient de véritables foyers reflétant le dynamisme et la diversité des communautés, soient des lieux privilégiés d’accueil et d’intégration;
❖ Contrer les barrières d’accès, en faisant de l’innovation et de l’offre active des services et des programmes en français les moyens privilégiés pour assurer une prestation de services intégrés de qualité, sécuritaires, culturellement et linguistiquement adaptés;
Maintenant, pour aller plus loin, c’est aux décideuses et aux décideurs de s’approprier la Déclaration. Et, c’est à vous, c’est à nous de les convaincre! C’est ensemble, en nombre, que nous y parviendrons!